Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/436

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m’empeschoit pas de pouvoir demeurer dans les termes que mon infidelle Amy me prescrivoit. Je luy promis donc, de me conduire par ses ordres : & luy me promit aussi, de faire tout ce qu’il pourroit pour m’oster le plus dangereux de mes Rivaux : ne jugeant pas, adjoustoit il finement, que ce dessein fust advantageux à Megabise son Frere.

En effet, il s’aquita admirablement de cette promesse : Mais helas ! ce fut pour son interest & non pas pour le mien, comme vous sçaurez apres. Or Seigneur, la veritable raison qui l’empeschoit de retourner si tost chez Amestris, n’estoit pas seulement pour me cacher l’amour qu’il avoit pour elle ; mais encore afin que les conseils qu’il prentendoit donner à Megabise, ne luy fussent point suspects. Il fut donc un matin à sa chambre, où il le trouva seul : d’abord il luy parla de cent choses indifferentes : & faisant semblant de le vouloir quitter, il luy demanda où il passeroit le jour ? Megabise qui ne voyoit pas l’artifice de son Frere, luy respondit ingenûment, que ce seroit chez Hermaniste : Vous deviez plustost dire chez Amestris (respondit Arbate en sous-riant, & en se r’aprochant de luy) car quelque vertu qu’ait Hermaniste, si Amestris estoit sans beauté, vos visites ne seroient pas si frequentes chez Artambare. Il est vray, respondit Megabise : Mais que fais-je, que toute la Cour ne fasse aussi bien que moy ? Aglatidas mesme qui est vostre Amy particulier, n’est-il pas aussi assidu aupres d’Amestris que je le suis ? Ouy, repliqua le malicieux Arbate ; & pleust au Ciel que la chose ne fust pas ainsi : car aimant son repos comme je fais, je voudrois qu’il ne s’amusast pas à un dessein qui ne