Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/437

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peut estre fort advantageux, à ceux qui s’y opiniastreront. Je sçay bien, repliqua Megabise, que l’amour est une passion inquiette, qui ne donne pas mesme de plaisirs tranquiles : mais apres tout, si Arbate la connoissoit par experience, il pleindroit peut-estre moins qu’il ne fait, ceux qui en sont possedez : & sçauroit que les peines de l’amour, toutes rigoureuses qu’elles sont ; ont plus de douceur, que tous les autres plaisirs du monde, qui ne sont pas causez par cette passion. Celle où vous vous engagez, est pourtant si dangereuse, respondit Arbate, qu’il n’est rien que je ne fisse pour vous en guerir, s’il estoit en mon pouvoir : commencez par Aglatidas, interrompit Megabise en embrassant son Frere ; & croyez que je vous seray plus obligé de sa guerison, que de la mienne. Il ne tiendra pas à moy, repliqua Arbate ; & j’ay peut-estre desja plus fait, aupres de luy qu’apres de vous. He Dieux, reprit Megabise, seroit-il bien possible que vous pussiez empescher Aglatidas, de me nuire apres d’Amestris ? Je feray sans doute, respondit Arbate, tout ce qui sera en mon pouvoir, afin qu’Aglatidas ne nuise point aux Amants d’Amestris : Mais ne vous y trompez pas ; & sçachez que ce n’est point avec intention, que Megabise en profite. Au contraire je souhaite de tout mon cœur, qu’il ne nuise non plus aux autres, que je veux qu’Aglatidas luy nuise. Et que voulez vous donc ? repliqua Megabise ; je veux, respondit Arbate, que vous faciez effort pour vous deffaire d’une passion, qui en general a beaucoup de foiblesse : & qui en cette rencontre particuliere, vous peut donner beaucoup de peine inutilement. Car enfin, poursuivit-il, vous avez un dessein que cent autres ont comme vous : & de plus, vous servez une Personne,