Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/444

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ay aportez à le guerir de cette passion ; n’estoient que parce que je ne pouvois vaincre la mienne. Qu’en suitte, je le prie, & je le presse de prendre quelque soing de ma vie : & qu’avec des larmes & des soupirs, je tasche de l’obliger à souffrir, que je luy dispute cette victoire, s’il ne me la veut pas ceder. Je sçay, poursuivit-il, que Megabise a l’ame tendre, & qu’il ne luy sera pas aisé de me resister : je rougis mon cher Amy, adjousta le malicieux Arbate, de vous proposer une si noire trahison : Mais que ne fait-on point quand l’on aime bien ? Mais mon cher Arbate, (luy dis-je l’embrassant, & craignant qu’il ne s’offençast de ce que j’allois luy dire) si l’amitié que vous avez pour moy, est assez forte pour vous obliger à tromper Megabise ; que ne feriez vous point, & à Megabise ; & à Aglatidas, si vous deveniez amoureux d’Amestris ? Et ne dois-je point craindre qu’en feignant de l’estre, vous ne le soyez enfin effectivement ? C’est donc ainsi (reprit l’artificieux Arbate, tesmoignant estre un peu irrité) que vous recevez les preuves de mon affection ? Mais prenez garde Aglatidas, me dit-il, que si je demeure dans les simples bornes de la raison, je ne me trouve obligé, de servir Megabise contre vous : & de preferer en effet, les droits du sang à ceux de l’amitié. Arbate prononça ces paroles d’un visage si serieux, que j’eus peur de l’avoir fasché : de sorte que faisant un effort sur moy, je taschay de me fier en ses promesses : & je luy dis tant de choses, que sa feinte colere s’appaisa ; & il m’en respondit de si adroites, que ma crainte s’en dissipa presque entierement. Je vous advoüe, Seigneur, que d’abord cette proposition m’estonna : mais voyant l’utilité que j’en devois recevoir ; & sentant bien