enfin, que je ne souffrirois jamais, que l’on m’ostast Amestris sans m’oster la vie : je creus qu’il valoit mieux avoir recours à l’adresse qu’à la force : & je consentis à ce qu’Arbate voulut, sans avoir presque ny soubçon, ny jalousie : ne pouvant m’imaginer qu’il fust amoureux : & craignant seulement un peu qu’il ne le devinst. Cependant comme ce n’estoit pas encore assez pour luy, d’avoir la liberté de voir Amestris, sans que je le trouvasse mauvais, s’il n’avoit le mesme advantage dans l’esprit de son Frere ; il le fut trouver le lendemain au matin, & le trompa aussi bien que moy, presque de la mesme façon qu’il m’avoit trompé : quoy que les raisons dont il se servit ne fussent pas toutes semblables. Il fut donc chercher Megabise, dans les jardins du Roy, où l’on luy dit qu’il estoit : comme il l’eut trouvé, que faites vous icy ? luy dit-il, mon Frere ; pendant qu’Aglatidas est peut-estre chez Amestris : Du moins, poursuivit-il, m’assura-t’il hier au soir, qu’il iroit ce matin chez Artambare. Vous feriez bien mieux, luy respondit brusquement Megabise, de n’estre plus son Amy, & de l’abandonner à ma fureur & à ma jalousie, que de m’advertir comme vous faites des soings qu’il rend à Amestris. Aussi bien ne pensay-je pas, que je puisse avoir long temps cette complaisance pour vous : & ma patience se lasse enfin de voir eternellement Aglatidas aimé d’Arbate, & favorisé de la personne que j’aime. Aglatidas, adjousta-t’il, qui est le seul que je crains de tous mes Rivaux ; & le seul que l’on me prefere. Arbate fit alors le surpris & l’estonné : & regardant Megabise, quoy mon Frere, luy dit’il, vous voudriez que je rompisse avec Aglatidas, parce qu’il est vostre Rival ! luy qui est assez genereux, pour ne rompre pas avec
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