Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/452

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que de plus, je ne luy avois jamais rien dit qui luy peust desplaire : & que j’avois cherché avec beaucoup de soing, toutes les occasions de la divertir. Neantmoins cette petite disposition à ne me haïr pas, qui estoit dans le cœur d’Amestris, ne me rendoit pas plus heureux en ce temps-là : parce qu’elle avoit une sagesse si severe : & une civilité si prudente ; qu’aucun ne pouvoit croire raisonnablement, estre bien dans son esprit : ny craindre aussi fortement d’y estre mal : tant elle avoit d’adresse, & de jugement en sa conduite. Cependant j’ose dire, qu’Arbate tout heureux qu’il estoit dans sa fourbe, avoit quelques facheux moments : car lors qu’il se voyoit aupres d’Amestris, entre Megabise & moy ; je tiens impossible qu’il n’eust quelque remords, de trahir son Frere & son Amy tout ensemble : & qu’il n’aprehendast quelque-fois, la fin de cette advanture. Ce n’est pas qu’il n’eust preveû toutes choses : & que si son dessein eust reüssi, il n’eust songé à ce qu’il avoit à nous dire. Il avoit donc eu intention, dés qu’il auroit pû s’assurer de l’esprit d’Amestris ; de nous demander pardon à tous deux ; de feindre qu’il seroit devenu amoureux d’elle, en la voyant pour l’amour de nous : & de tesmoigner une si grande douleur de cét accident, qu’il nous en eust fait pitié. Il s’estoit imaginé aussi, que du costé de son Frere, il n’avoit rien à craindre pour sa vie : & il avoit creû que nostre amitié, & le respect que j’aurois pour Amestris, m’empescheroient de faire esclatter la chose : & puis apres tout, cette belle Personne valoit bien la peine de s’exposer à avoir une querelle. C’estoit donc de cette sorte, qu’Arbate avoit formé ses desseins : mais la Fortune qui se mesle de tout, en disposa autrement.

Il y avoit desja