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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/453

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quelque temps, que nous vivions de la façon que je vous ay dit, lors qu’Arbate se trouvant persecuté de son Frere & de moy ; & jugeant qu’il estoit assez bien avec Amestris, pour chercher les voyes de l’entretenir de sa passion, plus ouvertement qu’il n’avoit fait, forma le dessein de luy en parler : & peu de temps apres, il en fit naistre une occasion tres-favorable. Il dit à Megabise & à moy separément, qu’enfin il estoit resolu de sçavoir, qui de nous deux estoit le mieux dans l’esprit d’Amestris : mais que pour cela, il faloit que nous n’allassions point chez elle durant deux jours : afin qu’il ne manquast pas de trouver les moyens de l’entretenir en particulier : & de tascher de descouvrir en luy parlant de l’un & de l’autre, la privation de la veüe duquel luy estoit la plus sensible. Nous luy accordasmes tout ce qu’il voulut : quoy que de mon costé ce ne fust pas sans beaucoup de peine. Il fut donc chez Amestris, à la quelle il ne pût parler le premier jour, qu’en presence de beaucoup de monde. Joint qu’il y vint alors un de ses Amants apellé Otane, le plus mal fait ; le plus haïssable, & le plus haï de toute la Cour, quoy qu’il eust assez d’esprit, lequel ne partoit presque plus de chez elle. Ce n’est pas qu’Amestris n’eust une aversion estrangge pour luy : mais comme c’estoit un homme de qualité, Artambare n’osoit le bannir de sa Maison : & ce fut principalement celuy-là, qui empescha Arbate de pouvoir parler, le premier jour qu’il fut chez Amestris. Mais le lendemain il fut plus heureux : car il la trouva sans autre compagnie que celle de ses Femmes. Elle estoit mesme apuyée sur un Balcon, qui regarde le jardin : si bien qu’ainsi il pouvoit aisément luy dire tout ce qu’