Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/463

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mon cœur d’estre capable d’aucune preocupation ; sans me determiner à rien, qu’à obeïr aveuglément. Si bien Madame, luy dis-je, que si l’on vous eust commandé de recevoir les services de Megabise ou d’Otane, vous n’eussiez pas desobeï ? Je vous l’ay desja advoüé si je ne me trompe, repliqua-t’elle ; Ha Dieux, m’escriay-je, Madame, pourquoy ne voulez vous pas que je sois heureux ? Je ne m’oppose point à vostre bonheur, respondit Amestris, s’il est vray que mon consentement y soit necessaire : Mais Madame (luy dis-je en l’interrompant) qui m’assurera que ce n’est point par contrainte que vous obeïssez : vous qui dites que vous obeïriez, quelque repugnance que vous y pussiez avoir ? Vous estes injuste, Aglatidas, me dit elle, de vouloir que je vous die mes sentimens, vous qui voulez que j’aye deviné tous les vostres : c’est pourquoy taschez de les descouvrir si vous pouvez : & contentez vous de sçavoir, qu’Artambare tient le cœur d’Amestris en sa puissance : & que s’il en dispose en vostre faveur, comme il y a beaucoup d’apparence qu’il le fera, vous y aurez un pouvoir absolu & legitime, que ri ? ne troublera jamais. Ce n’est pas encore assez Madame, luy dis-je, & je voudris sçavoir precisément, ce que vous pensiez d’Aglatidas, un moment auparavant qu’Artambare vous eust parlé en sa faveur : J’en pensois, me dit elle, sans doute ce que toutes les personnes raisonnables en pensent. Mais vous estoit-il absolument indifferent ? luy dis-je : Vous estes trop curieux (me respondit-elle en sous-riant, & en rougissant tout ensemble) & si je continuois de vous respondre, il seroit difficile que je ne disse quelque chose, qui seroit à vostre desavantage ou au mien.