Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/466

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quittoit : & la fureur se rendoit Maistresse de mon esprit. Nous ne fusmes donc pas plustost au lieu qu’il avoit choisi, que nous mismes l’espée à la main : car comme c’estoit fort prés de la Ville, quoy que nous fussions à pied, nous n’eusmes pas besoin de reprendre haleine. D’abord Megabise vint à moy, avec une fierté & une violence, qui me firent bien connoistre que j’avois à faire à un dangereux ennemy : & j’ose dire que je le reçeus avec assez de vigueur & de fermeté, pour ne luy donner pas mauvaise opinion de mon courage. Comme nous n’estions pas mal adroits tous deux, nous nous portasmes plusieurs coups sans nous blesser : ce qui à mon advis, nous fascha également. Mais comme nous nous estions enfin resolus d’abandonner tout à la Fortune, & de ne nous mesnager plus ; Arbate, l’artificieux Arbate, ayant selon toutes les apparences, inventé quelque nouvelle fourbe pour nous tromper ; revenant à la Ville, nous vit de loin au pied de ce rocher : & sans sçavoir qui c’estoit, il vint à nous l’espée haute pour nous separer. Mais Dieux qu’il fut surpris, lors qu’il nous reconnut, & que de divers sentimens s’emparerent de son ame ! Megabise estant son Frere, il est à croire qu’il m’eust volontiers prié, de cesser de le combattre : & je pense aussi, que me regardant comme son Amy, il eust presque bien voulu obliger Megabise, à ne tirer plus l’espée contre moy : mais comme estant tous deux ses Rivaux, je ne sçay s’il n’eut point quelque tentation, d’attaquer tous les deux ensemble : & de ne respecter ny le sang, ny l’amitié. Neantmoins les sentimens de la Nature estans presques tousjours les plus diligens à paroistre, dans les accidens inopinez ; Arbate ne nous