Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/465

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informé des premiers, fut à l’instant mesme supplier le Roy, de ne souffrir pas ce mariage, & de vouloir le proteger, au dessein qu’il avoit pour Amestris. Mais ce Prince luy dit, qu’il avoit parlé trop tard : & qu’ayant donné sa parole, la chose estoit absolument sans remede. Megabise quitta le Roy assez mescontent : & se resolut de prendre une voye qu’il jugea meilleure, pour arriver à sa fin. Il chercha donc l’occasion de me rencontrer ; & l’ayant trouvée, sans me faire un plus long discours ; Aglatidas, me dit-il tout bas à l’oreille, ne possedera point Amestris, que par la mort de Megabise : c’est pourquoy, poursuivit-il, sans tarder davantage, sortons par la Porte qui regarde les Montagnes, & venez achever vostre conqueste par ma deffaite. Megabise, luy dis-je, je n’ay guere accoustume de me faire presser d’aller où vous me voulez conduire : mais je vous advoüe, que je voudrois bien s’il estoit possible, ne mettre point l’espée à la main, contre un Frere d’Arbate. Vous le pouvez, me repliqua-t’il, en me cedant Amestris : Amestris ! repliquay-je, ha non non, Megabise, je ne la sçaurois ceder : & s’il n’y a point d’autre voye de vous satisfaire, il faut suivre vestre intention. En disant cela nous sortismes, apres nous estre deffaits de ceux qui estoient aveque nous : & nous fusmes au pied d’un grand rocher, sur une assez belle Pelouse, où il voulut que nous batissions. Je vous advoüe que l’amitié que j’avois pour Arbate me troubloit un peu : & que j’avois beaucoup de repugnance à respandre le sang d’un homme qui estoit son Frere. Mais dés que je venois à penser, que Megabise estoit mon Rival ; & que de sa vie ou de sa mort dépendoit la possession d’Amestris ; cette consideration me