Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/47

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de confusion.) Cela n’empescha pourtant pas Artamene de se faire entendre : car estant desja assez proche de la Ville, en un lieu où tous les siens l’avoient joint ; il se tourna vers eux, & leur dit avec une affection inconcevable ; Imaginez vous, mes Compagnons, que c’est moy qui suis dans cette Tour ; que c’est moy qui suis dans la necessité de perir, parmy les eaux, ou parmy les flames ; & que c’est à moy enfin à qui vous allez sauver la vie. Ou pour mieux dire encore, imaginez vous que vostre Roy ; vostre Princesse ; vos Femmes ; vos Peres ; & vos Enfans ; sont enfermez dans cette Tour avec Artamene, & y vont perir ; afin qu’estans poussez par des sentimens si tendres, vous agissiez avec plus de courage, & avec plus de diligence. Il faut, mes Compagnons, il faut aujourd’huy faire, ce qui n’a peut-estre jamais esté fait : il faut perdre nos ennemis, & les sauver ; il faut les combattre d’une main, & les secourir de l’autre ; & bref il faut faire toutes choses pour conserver une Princesse, qui doit estre vostre Reine ; & qui merite de l’estre de toute la Terre. A ces mots, Chrisante, Araspe, Aglatidas, & Hidaspe, qui commandoient chacun mille hommes en cette occasion ; s’approcherent d’Artamene, pour recevoir ses derniers ordres : & Feraulas qui estoit l’Agent de l’entreprise, & celuy qui avoit intelligence dans Sinope ; & auquel Artucas avoit promis de livrer une des Portes de la Ville cette mesme nuit ; fut aussi de ce conseil : & ce fut luy qui dit qu’il ne faloit pas laisser d’agir de la mesme façon, que si cette Ville n’estoit pas embrazée : & qu’ainsi sans chercher d’autres expediens, il faloit sans doute marcher droit à la porte du Temple de Mars. Parce, dit il, que si par hazard cét embrazement n’a pas encore mis