Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/477

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des Portes par où l’on entre ; il n’y a presque que les solitaires & les melancoliques, qui aillent resver au bord de cette Fontaine. Ce fut donc en cét endroit, que la belle Amestris, persuadée par ma Parente qui estoit son Amie, se resolut de m’accorder la permission de la voir : de vous dire, Seigneur, quelle fut la joye que je reçeus, à cette agreable nouvelle, il me seroit bien difficile. J’oubliay quasi que je ne la reverrois que pour luy dire adieu : & sans songer à ce qui devoit suivre cette entreveuë ; je pensay seulement que je reverrois Amestris par sa permission, en un lieu où je pourrois l’entretenir de mon amour : & où je pourrois peut-estre recevoir quelque leger tesmoignage, qu’elle ne luy desplaisoit pas. Je me rendis donc dés la pointe du jour de peur d’estre aperçeu, dans ces beaux Jardins : & je passay tout le matin, & toute l’apresdisnée, dans un petit Pavillon, qui est au bout d’une allée : où il ne loge que des Jardiniers, desquels en leur donnant quelque chose, l’on obtient tout ce que l’on veut. Cependant le Soleil n’eut pas si tost commencé de s’abaisser, que je fus me mettre dans le Bois-taillis, qui environne le Parterre de gazon : regardant avec beaucoup de soin & d’impatience, si Amestris ne venoit point. Toutes les fois que le vent agitoit les feüilles, je croyois l’entendre venir : & mon imagination, me la representa si vivement, que je creus la voir en plus d’un lieu où elle n’estoit pas. Enfin le Soleil s’estant couché, ce bel Astre m’aparut : & je vis sortir Amestris du Bocage, suivie de ma Parente, & de trois ou quatre de ses Femmes. Car encore que ce fust un secret que nostre entreveuë, comme ce n’estoit pas un crime, cette sage Fille avoit mieux aimé y venir avec plusieurs personnes,