Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/478

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que d’y venir peu accompagnée. Je ne la vis pas plustost que je fus vers elle : & luy donnant la main, je la menay aupres de la Fontaine : où l’on estoit assuré de n’estre entendu de personne, & de ne pouvoir estre surpris. D’abord je la remerciay de la bonté qu’elle avoit pour moy, avec toute la passion, & tout le respect qu’il me fut possible : mais comme les momens m’estoient precieux, elle ne fut pas plustost assise, que me mettant à genoux aupres d’elle, pendant que ma Parente & toutes ses Femmes parloient de la beauté du lieu & de la saison à trois pas de nous ; Madame, luy dis-je, est-il permis au malheureux Aglatidas, de croire que vous avez bien sçeu qu’il auroit l’honneur de vous voir icy ? Et est-il bien vray, que ce ne soit pas un hazard, qui luy donne le plaisir qu’il a de vous entretenir ? Ouy Aglatidas, me respondit elle, c’est de mon consentement que je vous voy : & j’ay creû que mon Pere m’ayant commandé de vous honorer infiniment, je pouvois sans crime aucun, vous donner ce tesmoignage de mon estime : & si je l’ose dire, de mon amitié. Ha Madame, luy dis-je, ne me cachez point mon bonheur : & s’il est vray que je sois assez heureux, pour vous avoir obligée à quelque legere connoissance de ma passion ; faites le moy connoistre, Madame, si vous voulez conserver ma vie : & ne croyez pas que je sois de l’humeur de ceux qui se flatent en toutes choses ; & qui expliquent tout à leur advantage. Au contraire, je me connois si parfaitement, que je doute tousjours, que l’on me puisse estimer. C’est pourquoy Madame, il faut que vous ayez cette indulgence pour ma foiblesse, de n’escouter pas tant aujourd’huy cette humeur severe,