Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/482

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aiment & qui vous servent : & de ne souffrir pas que tous mes Rivaux soient heureux, pendant que l’infortune Aglatidas endurera des suplices, qui ne sont pas imaginables. Je sçay bien Madame, adjoustay-je, que je ne suis pas trop raisonnable, de parler de cette sorte : mais l’Amour n’est pas accoustumé de reconnoistre la raison, & de s’enfermer dans les bornes qu’elle prescrit. Je ne puis pas, me respondit-elle, vous promettre de ne voir point ceux que vous nommez vos Rivaux : mais je puis bien vous assurer, que je ne les regarderay pas favorablement. Ce n’est pas encore assez, Madame, luy repliquay-je, pour satisfaire ma bizarre jalousie : & si vous voulez m’obliger vous me ferez l’honneur de me promettre, de les regarder le moins qu’il vous sera possible. Car Madame, poursuivis-je, quelques irritez que puissent estre vos yeux, ils sont tousjours beaux : & leur esclat a quelque chose de si divin & de si merveilleux ; qu’il vaut beaucoup mieux les voir en colere, que de ne les voir point du tout. Ainsi Madame, ayez compassion de ma foiblesse : & ne me refusez pas la consolation de pouvoir esperer que mes ennemis ne profiteront point de mon absence : & que je ne seray pas seul privé de la satisfaction de vous voir. Je veux bien Aglatidas, me dit elle, vous mettre en repos de ce costé là : & vous asseurer que je chercheray la solitude avec soing, tant que je ne pourray pas joüir de vostre presence, & de vostre conversation. Mais en vous accordant ce que vous desirez, je vous diray toutefois, que je ne m’y engage qu’autant que la bien-seance me le permettra : ne me semblant pas juste de vous promettre davantage. C’est peut-estre trop peu, Madame, luy dis-je,