Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/494

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conjurer tres-pressamment, de l’escouter pour la derniere fois : luy protestant, que si apres luy avoir accordé la permission de l’entretenir, elle continuoit de luy deffendre d’esperer rien de son affection, il ne l’en importuneroit jamais, & mesme ne la verroit plus. Amestris croyant avoir trouvé une occasion favorable de se delivrer de la persecution qu’elle recevoit de Megabise, luy dit enfin qu’il pouvoit parler pourveû que ce fust en effet pour la derniere fois : & pourveu qu’il fust absolument resolu de suivre ses ordres, quels qu’ils pussent estre. Megabise bien aise dans son desespoir, d’avoir obtenu la permission d’estre escouté, fit une profonde reverence pour remercier Amestris, de la grace qu’elle luy faisoit : Mais helas, Seigneur, que ce remerciment fit une profonde blessure en mon cœur ! & que je m’imaginay peu, la verité de la chose ! La Fontaine où ils estoient, est au milieu du Parterre ; le Parterre est extrémement large ; le Bois qui l’environne est également esloigné par tout de ce milieu où je les voyois, puis que le Parterre est rond : j’estois trop loing pour les entendre ; je ne pouvois m’approcher sans estre veû ; je ne voyois point le visage d’Amestris ; je voyois Megabise en l’action d’un homme qui remercie d’une faveur : & par toutes ces choses, je ne pus rien concevoir qui ne me desesperast : ny rien faire que souffrir une gehenne secrette, la plus insupportable qui fut jamais.

Cependant Megabise pour ne perdre pas des momens si precieux, & d’ou dépendoit tout le repos ou tout le malheur de sa vie ; commença de luy parler à peu prés en ces termes, comme je l’ay sçeu depuis. Vous sçavez Madame, luy dit-il, que la passion que j’ay pour vous, à tousjours esté si respectueuse,