Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/496

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

encore que je sçache bien que vostre mariage avoit esté resolu avec Aglatidas ; comme je sçay qu’Artambare l’aimoit, je ne sçay pas si ce fut par son choix, ou par le vostre. Dites moy donc Madame, je vous en conjure, si vostre insensibilité pour mon amour, est un effet de vostre affection pour Aglatidas, ou d’une antipathie naturelle pour Megabise. Parlez donc Madame, afin que je sçache de quelle sorte je dois agir, & ne craignez rien de mon desespoir. Au contraire, je vous promets de reconnoistre vostre sincerité, par un redoublement de respect, quand mesme vous prononceriez l’arrest de ma mort. Je pouvois Madame, adjousta-t’il, sans m’amuser à descouvrir vos veritables sentimens, me servir d’autres moyens, & prendre d’autres voyes pour faire reüssir mes desseins : Vous sçavez que je ne suis pas mal aupres du Roy : que vous estes presentement chez un de mes Amis & de mes Alliez, qui pouvoit me servir de plus d’une façon : & qu’enfin soit par la ruse, ou par l’authorité d’Astiage, je pouvois prendre des voyes plus violentes & plus infaillibles. Mais Madame, je n’en suis point capable : & le cœur d’Amestris est une chose que l’on ne peut recevoir agreablement que par elle mesme. Ainsi Madame, c’est à vous à m’apprendre avec ingenuité le secret de vostre ame : car si elle n’est pas engagée, je m’estimeray tres-heureux, & ne desespereray pas de ma fortune : Mais si elle l’est Madame, il est juste que je sois seul malheureux : & que je ne vous persecute pas tousjours : ou en vostre personne, ou en celle de ce bien-heureux Rival que vous aurez choisi. Parlez donc, Madame (luy disoit-il, avec une action suppliante & passionnée) & ne refusez pas du moins cette grace, au malheureux Megabise.