Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/499

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Pere a rendu la naissance de cette passion sans crime : c’est pourquoy il ne faut pas que je songe jamais à la rendre criminelle, par une infidelité. Ne croyez donc point Megabise, qu’il y ait rien d’offençant pour vous, en l’affection que j’ay pour Aglatidas : je ne l’ay pas choisi, on me l’a donné : mais l’ayant accepté comme j’ay fait, il faut le conserver jusques à la mort : & me conserver à luy tant que je vivray. Toutefois pour vous tesmoigner que je fais pour vous tout ce que je puis ; reglez vos sentimens si vous pouvez : contentez vous de mon estime & de mon amitié : & soyez assuré, de posseder l’une & l’autre aussi long temps que je joüiray de la vie. Amestris ayant cessé de parler, le malheureux Megabise qui avoit un respect inconcevable pour elle ; au lieu de s’emporter en des pleintes & en des reproches, la remercia de sa franchise, & de sa sincerité : & luy tesmoigna mesme les larmes aux yeux, qu’il luy estoit obligé, de la part qu’elle luy offroit en son estime & en son amitié. Mais comme il avoit un peu changé de place ; & que je ne le voyois plus que par le costé ; je ne pouvois pas voir la melancolie qu’il avoit sur le visage : & je voyois seulement, qu’il faisoit quelque action, comme pour remercier : ce qui comme vous pouvez juger, ne m’affligeoit pas avec mediocrité. Cependant Megabise apres avoir un peu deploré son malheur ; & admiré luy mesme le changement qui estoit arrivé en luy : & la moderation dont il se trouvoit capable : dit à Amestris, qu’il n’osoit pas luy promettre de changer ses sentimens : mais du moins, luy dit-il, Madame, je vous promets de les cacher si bien, que vous ne vous en aperceurez jamais. Je ne veux pas mesme, adjousta-t’il en soupirant,