Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/50

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pour tascher d’en sauver au moins quelque chose : l’on voyoit des Meres, qui sans se soucier ny de meubles, ny de maisons, s’enfuyoient les cheveux desja à demy bruslez, avec leurs enfans seulement entre les bras : Enfin l’on voyoit des choses si pitoyables & si terribles tout ensemble ; que si Artamene n’eust pas esté emporté comme il l’estoit, par une passion violente ; il se fust arresté à chaque pas pour les secourir, tant ils estoient dignes de compassion, & tant il estoit sensible à leur misere. Cependant il avançoit tousjours : mais le bruit de sa venuë l’ayant pourtant devancé ; Aribée Gouverneur de Sinope, qui faisoit tous ses efforts, pour empescher que le feu ne gagnast la Tour, & qui occupoit en ce lieu, la meilleure partie de ce qui restoit de peuple & de soldats dans la Ville ; ne le sçeut pas plustost, qu’il se trouva dans une inquietude inconcevable ; & dans une incertitude, qu’on ne sçauroit exprimer : ne sçachant s’il devoit aller combattre, ou s’il devoit continuer de faire esteindre ce feu. Car, disoit il, que servira au Roy d’Assirie que je vainque, s’il est vaincu par les flames ? Mais que me servira t’il aussi à moy mesme d’esteindre ce feu, adjoustoit il, si je suis pris par Artamene ? moy qui suis son plus grand ennemy ; moy qui ay trahy le Roy mon Maistre ; moy qui ay servi à l’enlevement de la Princesse sa Fille ; & qui ay fait revolter ses Peuples. Ha ! non non, combattons Artamene, qui est aussi redoutable au Roy d’Assirie, que le feu & que les flames : & songeons à nostre conservation, en pensant à celle d’autruy. En disant cela, il commanda à ceux qui esteignoient le feu, & qui par des machines dont ils se servoient, taschoient de luy couper chemin, en abatant les maisons voisines, où il s’estoit attaché ; de