Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/503

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne vous a-t’elle point remis en la memoire, que je l’arrosay de mes larmes ? Et enfin, cruelle & infidelle Personne, avez vous perdu le souvenir, que vous retirastes cruellement, d’entre mes mains, cette belle main que je baisay malgré vous, & que Megabise n’a pas baisée malgré vous ? Pourquoy donc injuste & ingratte Amestris, cette mesme main a-t’elle esté si liberale à mon Rival, apres m’avoir esté si avare ? Ne vous souvient-il plus, adjoustois-je, que vous me permistes de penser, tout ce qui pourroit conserver Aglatidas, & vous le ramener fidelle ? ne vouliez vous donc le conserver que pour le perdre ? & ne souhaitiez vous qu’il fust constrant, qu’afin qu’il sentist mieux vostre infidelité ? Si vous vouliez que je fusse malheureux, ne suffisoit-il pas de paroistre insensible ? & ne vous eust-il pas esté plus glorieux, de me maltraiter que de me trahir ? Vous n’eussiez esté que cruelle, & peut-estre un peu injuste : mais de la façon dont vous en avez usé, vous estes perfide, lasche, & inhumaine. Mais helas, disois-je encore, seroit-il bien possible, que dans le temps mesme où j’entretenois Amestris, elle ne m’aimast point du tout ? Est-ce qu’elle m’a tousjours trompé, où est-ce qu’elle m’a changé ? enfin dois-je regarder Amestris comme une Personne fourbe & insensible, qui se plaist aux malheurs d’autruy ? ou comme une Personne foible, inconstrante, & passionnée pour la nouveauté, qui aime ce qu’elle voit ; qui oublie ce qu’elle ne voit plus ; & qui donne son cœur à quiconque le luy demande ? Mais helas, reprenois-je, ce cœur, cét illustre cœur, m’avoit tant cousté à aquerir ! Combien de larmes respanduës ; combien de soupirs inutiles ; & combien de peines souffertes auparavant que de recevoir la moindre marque