Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/502

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foiblement, parce qu’elle estoit vers la fin de son cours : & cette sombre lumiere, rendant le lieu où j’estois, plus conforme à mon humeur, apres avoir envoyé mon Escuyer reprendre mes chevaux, j’y passay la nuit sans m’assoir, & sans m’arrester que fort peu de temps en chaque endroit, excepté sur le bord de la Fontaine. L’on eust dit que je cherchois ma Maistresse & mon Rival, par tous les coings du Bois & du Parterre, quoy que je sçeusse bien qu’ils n’y estoient plus n’y l’un ny l’autre : Mais lors que je fus arrivé au mesme lieu où je les avois veux ensemble ; C’est icy, m’écriay-je, où j’ay veû l’infidelle Amestris, accorder une grace à mon Rival, où je n’aurois jamais osé prentendre. Et ce fut en ce mesme lieu, adjousta-je, où je reçeus une faveur, que je ne pensois pas que jamais nul autre que moy peust obtenir. Ouy Amestris, pousuivis-je, j’avois creû que vostre vertu estoit si severe, que sans le secours d’Artambare, je n’eusse pû trouver de place en vostre cœur : mais à ce que je voy, Megabise n’a eu besoin de personne, pour y regner souverainement. Vostre inclination l’en à rendu Maistre : & vostre inconstrance en a chasse le malheureux Aglatidas. Mais cruelle Personne, adjoustay-je, faloit-il choisir le mesme lieu qui avoit esté le tesmoin de la seule preuve d’amour que vous m’ayez donnée, pour favoriser Megabise ? & comment avez vous pû me trahir au mesme endroit où vous m’aviez promis d’estre fidelle ? est-il possible qu’en parlant à Megabise, vous ne vous soyez point souvenuë d’Aglatidas ? le murmure de cette Fontaine, ne vous a-t’il point fait souvenir, que vous me vistes mesler mes pleurs avec ses eaux lors que je vous quittay ? Cette mousse verte sur laquelle vous estiez assise,