estoient vos divertissemens : & j’ay connu enfin que vous ne mentez pas, lors que vous m’escrivez, que vous fuyez le tumulte de la Cour ; qu’il n’y a qu’une seule Personne de qui vous puissiez souffrir la conversation sans chagrin : & que mesme vous faites tousjours tout ce qui vous est possible, pour faire que cette conversation soit en un lieu solitaire & retiré. Vous me dites, cruelle Amestris, que je puis bien juger, que vous ne cherchez pas les Jardins du Palais pour vous promener : mais infidelle que vous estes, je ne pouvois pas juger, que vous n’alliez à la Fontaine du Parterre de gazon, que pour y entretenir Megabise. Cependant j’ay veû de mes prepres yeux, que la seule Personne qui presentement vous peut plaire à Ecbatane, est le trop heureux Megabise. Vous dittes encore, que vous vous entretenez vous mesme : ha je ne l’ay que trop veû cruelle Amestris ! & pleust aux Dieux toutefois, que je n’eusse veû que cela. Vous avez raison, adjoustois-je, de dire, qu’il seroit bon pour mon repos, que j’ignorasse vos resveries : & plus de raison encore, d’advoüer qu’il ne seroit pas advantageux à Amestris que je les devinasse. Mais comment, injuste Personne, pouvez vous connoistre que vous avez tort sans vous en repentir ? & toutefois vous avez peut-estre escrit cette Lettre, avant la cruelle conversation, que je vous ay veû avoir avec Megabise. En effet, je ne me trompois pas alors en mes conjectures : car ayant regardé de quel jour elle estoit dattée ; & me ressouvenant precisément, de celuy où j’avois veû Amestris avec Megabise ; je trouvay qu’elle estoit escrit d’un jour auparavant : ce qui me mit en une colere si grande ; que je fis resolution de faire tout ce qui me seroit possible, pour me guerir d’une passion si mal reconnuë. Vous pouvez juger que je ne la pris pas sans peine, cette cruelle resolution ; & qu’il falut me
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