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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/510

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combattre plus d’une fois. Je fis pourtant dessein, d’attendre mesme que la Fortune me fist rencontrer Megabise pour me vanger, sans l’aller chercher par toute la Terre, comme j’en n’avois eu l’intention : & de tascher de surmonter dans mon cœur, les sentimens que l’Amour y avoit inspirez. Je ne voulus pas mesme respondre à Amestris : ny chercher quelque consolation à luy reprocher son crime. Au contraire, j’ordonnay encore à celuy qui avoit accoustumé de recevoir ses Lettres, de les luy renvoyer sans me les faire voir, & sans les ouvrir. Si vous aviez aimé Seigneur, je n’aurois que faire de vous exagerer tout ce que je souffris en cette rencontre : & vous connoistriez facilement, qu’il n’est rien de plus difficile, que de vouloir arracher de son cœur, une violente passion. J’avois beau ne vouloir plus songer à Amestris ; j’y songeois eternellement : & c’estoit en vain que je faisois effort pour la mépriser ; puis que malgré moy je sentois que je l’estimois tousjours, plus que tout le reste de la Terre. Je cherchois le monde & la conversation pour m’en destacher : Mais je m’y ennuyois si cruellement, que la solitude m’estoit encore moins insuportable. J’appellay les Livres à mon secours : mais je n’y rencontray que de bons conseils inutiles. Je m’amusay en suitte à la Chasse : mais je ne trouvay pas que la lassitude du corps, soulageast les peines de l’esprit. Enfin je me resolus d’attendre du temps, ce que je ne trouvois point ailleurs : mais Dieux, que ce remede fut long & mal assuré ! & que ma guerison fut penible & mal affermie !

Cependant l’innocente Amestris ne recevant plus de mes nouvelles ; & voyant qu’on luy renvoyoit toutes ses Lettres, ne m’en escrivit plus : & en fut en une