Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/511

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peine incroyable. D’abord elle s’imagina que j’estois mort : mais ma Parente sçeust bien tost chez mon Pere que cela n’estoit pas. Elles chercherent alors en vain, la cause de mon silence, sans la pouvoir rencontrer : & l’innocence d’Amestris estoit une cause assez forte, pour l’empescher de la deviner. Elle craignit toutefois un peu, que Megabise ne m’eust fait faire quelque mauvais conte d’elle : mais apres y avoir bien pensé, elle ne trouvoit pas que quand il eust esté assez lasche pour le faire, j’eusse deû estre assez foible pour le croire, puis qu’il estoit mon Ennemy & mon Rival. Joint qu’il n’y avoit point d’apparence qu’il l’eust fait : car outre qu’il estoit trop homme d’honneur pour concevoir une fourbe de cette nature ; il n’estoit pas demeuré en lieu pour pouvoir joüir de l’effet de son artifice : puis que l’on avoit sçeu enfin, que son desespoir l’avoit porté à la guerre, qui estoit alors en Lydie. Que ne pensa donc point l’aimable Amestris ! Et dequoy n’accusa t’elle point le malheureux Aglatidas ! elle creut qu’il estoit inconstrant : que quelque nouvelle passion l’avoit fait changer : & dans cette pensée, elle s’abandonna à la douleur ; se repentit de m’avoir aimé ; dit cent choses contre moy & contre l’amour ; & fit tout ce qu’elle pût, pour m’oster le cœur qu’elle m’avoit donné. Menaste mesme qui m’aimoit beaucoup, & qui estoit revenuë de la Campagne, ne pouvoit pas m’excuser : & la confirmoit encore, dans les sentimens de colere où elle estoit. Enfin Seigneur, l’on peut dire que nous estions tous deux aussi infortunez, que nous estions innocens. Cependant, celuy chez qui Amestris demeuroit, & qui vouloit favoriser Megabise ; le voyant absent, & sçachant le grand nombre de pretendans