Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/521

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qui avoit effectivement du merite & de la beauté : mais qui n’avoit pourtant pas fait grandes conquestes : & qui estoit sans doute incomparablement moins belle qu’Amestris, quoy qu’elle le fust beaucoup. Le hazard voulut que le jour mesme qu’Artabane m’avoit fait consentir d’essayer le remede qu’il m’avoit proposé ; je la trouvay à la promenade des Jardins du Palais : où il y avoit long temps que je n’avois esté, parce que je fuyois le monde autant qu’il m’estoit possible. Et comme je n’avois, & ne pouvois avoir d’inclination particuliere pour Personne ; & que mesme je n’avois pas la liberté de choisir en une saison où tout ce qui n’estoit pas Amestris ne me pouvoit plaire : Le hazard, dis-je, m’ayant fait rencontrer Anatise plustost qu’une autre ; je n’esvitay pas sa conversation, comme j’avois accoustumé d’esviter celle de toutes les Dames, depuis mon retour à Ecbatane : c’est à dire toutesfois, autant que la civilité me le permettoit. Je parlay donc à cette Fille diverses fois ce jour là : & quoy que ce ne fust que de choses indifferentes, elle ne laissa pas de s’estimer en quelque façon mon obligée : parce qu’enfin je faisois pour elle, ce que je n’avois fait pour personne, depuis que j’estois revenu à la Cour. Et certes il me fut advantageux, que la solitude où j’avois vescu, m’aidast à persuader au monde, ce que je voulois qu’il creust : estant certain qu’il ne m’eust pas esté bien aisé, de faire tout ce qu’il eust falu pour le tromper, s’il ne se fust trompé luy mesme : & si Anatise de son costé, ne m’eust aidé à le decevoir. Car Seigneur, je n’ay garde de croire, que la complaisance que cette aimable Fille eut pour quelques petits soins que je luy rendis, fust un effet de mon merite : au contraire, je