Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/522

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connus clairement que ç’en fuſt un de celuy d’Ameſtris : eſtant indubitable, qu’Anatiſe ne me traita favorablement comme elle fit, que parce qu’elle s’imagina, qu’il y avoit quelque choſe de glorieux pour elle ; qu’un homme qui avoit aimé la plus belle Perſonne du monde, quittaſt ſes fers pour prendre ſes chaines. Cette petite jalouſie de beauté, fit donc qu’Anatiſe eut pour moy, toute la civilité poſſible : & que trouvant tant de facilité à executer ce qu’Artabane m’avoit conſeillé ; je continuay d’agir comme il voulut. Ce n’eſt pas Seigneur, que je puſſe jamais me reſoudre, à dire à Anatiſe que je l’aimois : tant parce qu’en effet je ne le pus jamais obtenir de ma veritable paſſion ; que parce qu’il me ſembloit que ç’euſt eſté choquer directement la generoſité. Cependant ma façon de vivre avec Anatiſe, ne laiſſoit pas d’avoir preſque le meſme effet dans la Cour, & dans l’eſprit de cette Fille : car enfin je la voyois ſouvent ; je ne parlois preſque qu’à elle ; je paroiſſois fort melancolique & fort inquiet ; & tout le monde regardoit toutes ces choſes, comme des effets de ma nouvelle paſſion. Anatiſe d’autre part voyoit que je m’attachois à ſon entretien : que je la loüois à toutes les occaſions qui s’en preſentoient : que je fuyois toutes les Femmes excepté elle : & que dans nos converſations, je paroiſſois ſouvent avoir l’eſprit interdit, & ne sçavoir pas trop bien ce que je luy voulois dire. Mais helas, ce qu’elle croyoit eſtre un effet de l’amour que j’avois pour elle, en eſtoit un de celle que j’avois pour Ameſtris, toute infidelle qu’elle me paroiſſoit alors. Et certes il y avoit des jours, où je me repentois d’avoir ſuivy les conſeils d’Artabane : & d’autres auſſi, où il ſembloit que je me reſolusse