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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/531

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Mais helas, reprenoit-elle, nous n’en sommes plus en pouvoir ! l’innocence & la raison ayant estably l’Amour en mon ame, le moyen de l’en chasser ? Il faut toutefois, adjoustoit elle, & j’y suis si fortement resoluë, que je ne dois pas desesperer d’en venir à bout.

Enfin, Seigneur, l’adorable Amestris n’estant pourtant pas bien d’accord avec elle mesme ; ne put achever de prendre sa resolution : & elle fit dessein d’aller le lendemain à quelque promenade solitaire, avec sa chere Confidente, pour tascher de resoudre ce qu’elle feroit : & pour esviter la conversation des personnes indifferentes : qui en l’estat où estoit son ame, n’eusse fait que la contraindre & l’importuner. Elles furent donc le jour suivant à un Jardin, où peu de monde avoit accoustumé d’aller : & où pourtant Artabane se rencontra fortuitement. Il ne les vit pas plustost, que la curiosité luy prit d’entendre leur conversation : il se cacha pour cét effet, derriere une Pallissade fort espaisse : & les suivant des yeux, il vit qu’elles allerent s’assoir dans un Cabinet de verdure. Il y fut en se glissant entre les arbres d’une grande Allée qui y respondoit : & se coucha derriere une petite Palissade de Mirthe, qui estoit au delà du Cabinet. Il n’y fut pas plus tost, qu’il entendit que Menaste respondant à quelque chose qu’Amestris avoit dit, & qu’il n’avoit pas entendu ; Non, luy disoit elle, il ne faut pas vous vanger sur vous mesme : & il faut qu’Aglatidas tout seul, porte la peine de son crime. Ne confondez pas, adjoustoit-elle, l’innocente & le coupable : haïssez Aglatidas si vous le pouvez : & ne punissez pas Amestris qui n’a point failly. Amestris, repliqua cette aimable Personne, ne pouvant haïr ce qu’elle a aimé, que voulez vous qu’elle devienne ? &