Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/534

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c’est à dire, qu’il quittera Anatise, pour revenir à Amestris : ou que du moins, il sera fort affligé dans son cœur. De plus, qui sçait si en souffrant d’estre aimée, vous ne viendrez point à cesser d’aimer ? L’amour, à ce que j’ay entendu dire, adjousta-t’elle, ne se guerit point par des remedes qui luy soient contraires, ny par des remedes violents : le temps & la raison, par des voyes plus insensibles, viennent à bout de toutes choses : c’est pourquoy si vous m’en croyez, vous suivrez absolument mon conseil. Il est mesme à propos pour vostre gloire, adjousta Menaste, que l’on ne vous soubçonne point d’avoir aimé Aglatidas : & pour l’empescher, il faut faire ce que je dis. Cette derniere consideration fut sans doute la plus forte sur l’ame d’Amestris : qui apres plusieurs autres discours, se resolut de suivre les advis qu’on luy donnoit. Cependant Artabane qui estoit ravy d’avoir entendu tout ce que ces deux Personnes avoient dit ; se leva tout doucement, & sortit du Jardin sans estre aperçeu : allant en diligence me chercher par tous les lieux où il creût me devoir rencontrer : mais mon malheur fit, qu’il ne me pût jamais trouver. Apres m’avoir cherché vainement chez le Roy ; dans les Jardins du Palais ; & chez Anatise ; il se resolut enfin, d’attendre que je me retirasse le soir : ne pouvant pas imaginer qu’il peust rien m’arriver d’important le reste de la journée, où l’ignorance de ce qu’il sçavoit me peust nuire.

Mais Dieux, que cette fatale journée m’a esté funeste ! & qu’elle me coustera encore de soupirs, si la mort n’en arreste le cours ! Je vous ay dit Seigneur, que ce Jardin où estoit Amestris, estoit un Jardin solitaire, où peu de monde se promenoit : mais pour mon