Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/539

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de ce Jardin. Elle qui ne l’avoit appellé que pour me fascher, ne fit aucun effort pour le retenir : au contraire, un second sentiment corrigeant le premier, luy fit voir qu’elle avoit eu tort, de nous mettre en estat d’en venir aux mains, si Megabise n’eust pas eu ce tespect pour elle. Pour moy Seigneur, qui n’entendois pas ce qu’ils disoient, je ne le vy pas si tost sortir, que je n’en fusse autant en colere, que je l’avois esté de le voir entrer : m’imaginant qu’il ne s’en alloit que pour faire le fin : & pour tascher de déguiser l’assignation qu’Amestris luy avoit donnée. Ne pouvant donc plus durer au lieu où j’estois : & croyant qu’il me seroit plus aisé de cacher mon inquietude en me promenant, qu’en demeurant tousjours en un mesme endroit ; je le proposay à Anatise, qui y consentit. Bien est il vray que ce ne fut pas tant par complaisance que par vanité : car elle voulut, quoy que je pusse dire, aller droit vers Amestris : luy semblant que c’estoit veritablement triompher d’elle, que mener un de ses Esclaves où il luy plaisoit. Nous fusmes donc à le rencontre d’Amestris & de Menaste : & comme nous fusmes assez prés les uns des autres, Anatise sans me rien dire de son dessein, commença de parler à Amestris : dont je fus si fasché, que je pensay la quitter, & sortir d’un lieu, où tout ce que j’aimois, & tout ce que je haïssois, venoit de se trouver ensemble. Je n’osois & voulois regarder Amestris : j’eusse voulu que Megabise y eust encore esté pour le combattre : & je ne sçache point de sentimens bizarres & violens, qui ne me passassent dans l’esprit. Il y eut mesme des moments, où Amestris me sembla moins belle, & où Anatise me la parut davantage : Mais Dieux, que ces moments passerent viste ! &