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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/538

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parce qu’il voyoit que j’y estois ; & je ne doutay point du tout, qu’Amestris sçachant qu’il devoit arriver, ne fust venuë l’attendre en ce lieu là. Je vous laisse donc à juger Seigneur, du trouble de mon ame, & de l’agitation de mon esprit : pour moy, toutes les fois que je me souviens, de l’estat où nous estions, je ne puis assez m’estonner, du caprice de la Fortune. Car enfin Anatise avoit une joye extréme, de se croire preferée à Amestris, & aimée d’Aglatidas, qui ne la preferoit ny ne l’amoit : Megabise de son costé, tout guery qu’il pensoit estre de sa passion, estoit infiniment aise, de se voir rapellé par celle qui l’avoit banny pour tousjours ; quoy que cette personne ne l’eust rapellé par aucune affection qu’elle eust pour luy : & Amestris & moy, qui eussions esté si heureux, si nous eussions sçeu nos veritables sentimens, estions les plus malheureuses personnes de la Terre. Cependant, quoy que Megabise fust fort aise aupres d’Amestris, le souvenir de la mort de son Frere, & la veuë de celuy qui l’avoit tué, faisant sentir à son cœur, que nulle bien-seance ne luy permettoit d’estre où j’estois ; Madame, dit-il à Amestris, je doute si le commandement que j’ay reçeu du Roy, seroit assez puissant sur mon esprit, pour empescher mon juste ressentiment contre un homme que je voy, si le respect que j’ay pour vous ne me retenoit : & c’est pourquoy Madame, craignant que ce respect ne fust pas long temps assez fort, contre les sentimens du sans & de la Nature : je vous supplie tres-humblement de me pardonner mon incivilité, & de souffrir que je vous quitte. A ces mots sans attendre la responce d’Amestris, il luy fit une profonde reverence, & sortit