Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/543

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dans ce Jardin pour l’attendre. Elle m’a veû auparavant qu’il arrivast, & ne s’est pas souciée que je fusse le tesmoin de leur entreveuë, puis qu’elle y est demeurée. Pour Megabise, adjoustois-je, il vouloit estre plus discret : il a fait semblant lors qu’il m’a descouvert, de ne la vouloir pas aborder : mais elle l’a appellé cruellement pour me faire despit ; elle m’a regardé avec colere ; elle l’a regardé avec douceur ; & l’a loüé en ma presence. Elle, dis-je, qui faisoit autrefois profession d’une vertu si austere : elle qui m’a refusé son affection si opiniastrément : elle qui m’a esté si severe & si rigoureuse. Et comment Amestris, disois-je, est-il possible, que vous ayez si fort changé d’humeur ? Mais du moins, adjoustois-je, faut-il que je trouble vostre felicité, comme vous troublez la mienne : & que le respect m’empeschant de songer à me vanger directement de vous, je me vange de Megabise.

Voila Seigneur, comment je faisois du poison, des choses les plus innocentes : & comment j’expliquois toutes les actions d’Amestris : qui de son costé n’entendoit guere mieux les miennes : & qui premeditoit de se vanger de moy, d’une façon bien plus cruelle. Mais, Seigneur, il faut que je vous die auparavant, que celuy chez qui demeuroit Amestris, ayant esté gagné par Otane, ne tenoit plus le party de Megabise aupres d’elle : & persecutoit continuellement cette aimable personne, afin de l’obliger à preferer la richesse à toutes choses : & à ne considerer ny les bonnes, ny les mauvaises qualitez, de celuy qu’elle voudroit espouser. De plus, en s’en retournant chez elle, Artabane l’avoit rencontrée & l’avoit suivie : mais comme elle avoit alors l’esprit peu capable d’une conversation indifferente ; aussi tost qu’elle estoit arrivée