Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/545

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Et enfin Menaste, qu’ay-je fait, qu’ay-je dit, qu’ay-je pensé, qui puisse excuser son inconstrance ? Pour moy, adjousta-t’elle, je n’entendis jamais parler d’une pareille jalousie à celle-là : mais de grace dittes moy un peu, si je l’eusse sçeuë dés le commencement, qu’eussay-je pû faire pour l’en guerir ? il eust falu sans doute ne regarder plus personne, & s’enfermer eternellement. Le moyen de deviner dans une grande Cour, & dans une grande Ville, où je suis veuë de tout le monde, & où je vis également avec tous ceux qui m’approchent ; quel estoit celuy qui luy donnoit de l’inquietude ? Car enfin, peut-estre que c’estoit Andramias ; peut-estre que c’estoit Araspe ; peut-estre que c’estoit Megabise ; & peut-estre que c’estoit le Roy. Le moyen donc Menaste, que j’eusse pû le guerir quand je l’eusse voulu ? Il faut advoüer, luy respondit ma Parente, qu’Aglatidas a bien manqué de conduitte : dittes, adjousta Amestris, qu’il a perdu la raison, en perdant l’estime qu’il avoit pour moy. Car veû la façon dont j’avois vescu avec Aglatidas, il ne devoit jamais me soubçonner mal à propos : ny croire à ses propres yeux contre Amestris. Et puis l’inconstrance doit elle tousjours suivre la jalousie ? Pour moy je pensois que la jalousie fist des malheureux : mais je ne croyois pas qu’elle deust tousjours faire des infidelles. Qu’Aglatidas me croyant peu sincere en mes paroles, ne me voye plus ; ne m’aime plus ; & mesme me haïsse, je ne m’en pleindray pas : & je regarderay sa haine, comme une marque de la violence de son amour. Mais qu’aussi tost qu’Aglatidas pense que je ne l’estime plus, il m’oublie entierement ; & se trouve au mesme instant l’ame sensible à une nouvelle passion ; ha Menaste, c’est ce