Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/547

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d’une façon, qu’il n’en puisse jamais profiter. S’il ne se repent pas de sa faute, poursuivit elle, je me puniray de l’avoir aimé : & s’il s’en repent, je le puniray de m’avoir trahie : & le puniray aussi cruellement qu’il merite de l’estre. Je vous advoüe, luy dit alors Menaste, qu’il ne m’est pas aisé de comprendre, quelle espece de vangeance vous premeditez : Elle est si éstrange, luy respondit Amestris, que je n’ose vous la dire, de peur que vous ne m’en détourniez par vos raisons, ou par vos prieres. Mais comment pourriez vous, luy dit Menaste, luy faire voir si precisément, que vous luy avez esté fidelle, puis que vous ne sçavez pas mesme de qui il est jaloux ? Je ne sçay pas veritablement, repliqua Amestris, de qui Aglatidas est jaloux : mais je sçay du moins, de qui il ne peut jamais l’avoir esté : & cela suffit pour ma justification, pour ma vangeance, & pour mon chastiment tout ensemble. Menaste l’entendant parler ainsi, & comprenant tousjours moins le sens caché de ces paroles obscures ; se mit à la presser si tendrement, & l’assura tant de fois qu’elle ne s’opposeroit point à ce qu’elle voudroit ; qu’enfin reprenant son discours, Vous n’ignorez pas, luy dit elle, Menaste, non plus que l’inconstrant Aglatidas, l’aversion invincible que j’ay tousjours euë pour Otane, malgré sa richesse & sa condition ; car je vous en ay parlé cent & cent fois à tous deux, comme de l’homme du monde pour lequel j’avois le plus de mépris & le plus de haine, malgré sa condition & sa richesse. Vous sçavez, adjousta-t’elle, qu’il m’a aimée, dés le premier jour que j’arrivay à Ecbatane : & que je l’ay haï, dés le premier moment que je l’ay veû. Sçachez donc Menaste, qu’auparavant que je puisse recevoir en nulle part