Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/550

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voye, vous vous détruisez vous mesme ? C’est ce que je souhaite, luy repliqua Amestris, & si je ne sçavois que la melancolie est un poison lent, dont l’effet est presque infaillible, je ne m’y abandonnerois pas. Souffrez, luy dit Menaste, que je parle encore une fois à Aglatidas : quand je seray morte, luy dit elle, je vous le permets : & je vous conjure mesme de luy bien exagerer ma douleur, afin d’augmenter la sienne. Quoy, luy dit Menaste, vous parlez de mort, & de mariage tout ensemble ? Ouy, luy repliqua Amestris ; en allant au Temple, je songeray que je m’en iray au Tombeau : & j’espereray que les Torches nuptiales, seront bien tost changées en Torches funebres. Mais pourquoy voulez vous mourir ? reprit Menaste ; parce, respondit elle, que je ne puis plus vivre heureuse ny innocente : trouvant que c’est estre fort criminelle, que d’avoir aimé Aglatidas.

Enfin, Seigneur, Menaste fut contrainte de quitter Amestris, parce qu’il estoit fort tard, sans avoir rien avancé aupres d’elle. Cette prudente Fille ne fut pas pourtant plustost arrivée à son logis, qu’elle m’envoya chercher, resoluë de me parler, & de me guerir l’esprit si elle pouvoit, & de ma jalousie, & de ma nouvelle passion ; car elle me croyoit veritablement amoureux d’Anatise : mais ce fut en vain qu’elle prit cette peine. Le lendemain elle envoya aussi chez Artabane, afin de le prier de luy aider à me trouver : mais elle y envoya un moment trop tard, car il estoit desja sorty. Cependant Artabane aussi bien que Menaste, estoit desesperé de ne me trouver point : & ces deux Personnes qui avoient de si agreables choses à me dire, estoient également affligées, chacune en leur particulier, de n’apprendre point