Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/568

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cette promenade solitaire, comme tres conforme à son humeur & à sa fortune presente. Toutefois elle avoit jugé à propos, qu’elle ne me creust pas aussi coupable qu’elle pensoit que je le fusse, lors que je la verrois : de sorte qu’elle la mena une heure plustost à cette promenade qu’elle ne me l’avoit mandé, afin d’avoir le temps de l’entretenir. Comme elles furent donc dans ce petit Bois où elle la conduisit ; cette belle affligée contribua elle mesme à son dessein : & commença un discours, dont ma Parente fut bien aise. Advoüez, luy dit elle, Menaste, que le malheur qui me persecute est bien opiniastre, puis que mesme il ne veut pas que j’aye la consolation de sçavoir ce que pense Aglatidas de mon infortune. Il a disparu aussi bien qu’Anatise : & j’ay lieu de croire qu’ils se moquent peut-estre de mon bizarre destin : & qu’Aglatidas regarde plus tost mon mariage, comme un effet de mon caprice, que comme un malheur dont il soit la veritable cause. Mais adjousta-t’elle, mon ame, est en une assiette bien peu raisonnable : car enfin je ne puis m’empescher de vouloir deux choses toutes differentes à la fois : puis que je n’ay pas plus tost souhaitté, de sçavoir qu’Aglatidas soit sensible à mon infortune, qu’un moment apres je desire pour mon repos, de n’en aprendre jamais rien ; de ne le rencontrer de ma vie ; & de n’entendre plus parler de luy. Mais helas, que tous ces desseins sont mal affermis dans mon cœur : & que j’avois bien raison, de choisir mon mariage comme un supplice assez grand, pour me punir d’avoir aimé un infidele ! Je voudrois, luy dit alors Menaste, que vous ne l’eussiez jamais creû tel, ou que vous le creussiez tousjours : mais à mon advis, la chose n’ira pas ainsi : & vous serez encore plus malheureuse que vous n’estes. Quoy, interrompit Amestris, j’eusse pû ne croire pas Aglatidas infidelle ; & je pourrois croire qu’il ne l’auroit point esté ! Ha non Menaste, je n’ay point deû faire ce que vous dites : & je ne pourray