Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/567

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il falut se retirer : je passay la nuit sans dormir ; les deux jours suivans à me pleindre ; & le troisiesme au matin, je reçeus des nouvelles de Menaste ; qui me mandoit que si je voulois me rendre au Jardin du Parterre de gazon à six heures du soir, elle y conduiroit Amestris, sans qu’elle sçeust que j’y deusse estre : Mais qu’afin que cette entreveue ne fust point descouverte, il faloit qu’elle se fist dans le plus espais du bocage, à la main droite de la Fontaine. Qui m’eust dit Seigneur, un moment auparavant, vous aurez un instant de joye en toute vostre vie, je ne l’eusse pas creu : & cependant je ne sçeu pas plus tost que je reverrois Amestris ce jour là, que je m’y abandonnay entierement : & je fus prés d’une heure que je ne me souvenois ny de Megabise, ny d’Otane, ny mesme du mariage d’Amestris : & que je ne pensois à autre chose, sinon que je la reverrois ; que je luy parlerois ; & qu’elle me respondroit peut-estre favorablement. Puis revenant tout d’une coup de cette douce lethargie : Mais helas, disois-je, que me pourroit elle respondre, qui me peust rendre moins miserable, puis que plus elle me sera douce, plus je seray malheureux ? Je ne laissois pas neantmoins de desirer de l’estre de cette sorte, & de ne la trouver pas irritée. Je m’entretins donc tout le jour de cette façon avec Artabane : & je manday à Menaste, que je ne manquerois pas de faire ce qu’elle desiroit de moy. Cependant cette adroite fille, comme je l’ay sçeu depuis, avoit effectivement trompé Amestris : & luy avoit proposé