Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/90

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imagination, afin de le faire passer en un desespoir plus legitime : & d’avoir du moins quelque excuse, à se donner à luy mesme, de la foiblesse qu’il tesmoignoit en cette rencontre. Car lors qu’il venoit à songer, que tout ce qu’il avoit fait, avoit esté fait pour cette Princesse, qu’il croyoit presque n’estre plus au monde ; le souvenir de toutes ces choses redoubloit encore son affliction : s’il est possible de concevoir quelque redoublement, en une douleur, qui dés le premier moment qu’il l’avoit sentie, avoit esté extréme & insuportable. Il ne pouvoit se resoudre, d’envoyer porter cette triste nouvelle au Roy des Medes : il pouvoit encore moins se resoudre à la luy apprendre de sa propre bouche : & dans cette irresolution, le reste du jour & de la nuit se passerent, sans qu’il peust en façon aucune, se determiner là dessus. Feraulas estant revenu le matin, assura ce Prince, que du moins il n’y avoit nulle autre marque de sa disgrace, que celle qu’il en avoit veuë luy mesme : Mais, reprit Artamene tout d’un coup, n’avez vous point sçeû des nouvelles de Mazare ? & ne seroit il point revenu de la foiblesse où il tomba hier devant moy, & en laquelle je le laissay dans cette Cabane ? Que l’on aille, dit il, le sçavoir ; & si cela est, que l’on me l’amene. Il donna cét ordre avec beaucoup de precipitation ; & sans sçavoir presques ce qu’il vouloit dire : mais à quelque temps de là, on luy vint raporter, que les Pescheurs, entre les mains desquels ce Prince estoit demeuré, avoient dit que Mazare n’estoit point revenu de l’évanoüissement où Artamene l’avoit veû le jour auparavant : & qu’il estoit mort un moment apres, qu’il avoit esté sorti de cette Cabane. La nouvelle de cette mort donna divers sentimens