Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/92

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les premiers d’entre les Homotimes : aussi bien que l’estoient Hidaspe & Chrisante, qui accompagnoient Artamene. Jamais entre-veuë ne fut si triste que celle-là : Ciaxare voyant de loing sa ville détruite, ne pût s’empescher d’en soupirer : & Artamene voyant Ciaxare, auquel il alloit donner un si grand redoublement de douleur, par la funeste nouvelle du naufrage de la Princesse sa fille ; ne pouvoit quasi se resoudre d’avancer vers luy. Cependant, quelque lentement qu’il marchast, comme le Roy venoit assez viste, ils furent bien tost à trente pas l’un de l’autre : Artamene & tous ceux qui l’accompagnoient, descendirent de cheval, & furent à pied à la rencontre du Roy, qui sembla se haster d’aller droit à luy.

Ce Prince malgrè sa douleur, luy presenta Thrasibule : & Ciaxare leur ayant tendu la main à tous, leur commanda de remonter à cheval ; & ayant appellé Artamene aupres de luy, il se mit à luy parler de son malheur en general ; & à exagerer combien il avoit esté surpris d’apprendre que Mazare eust enlevé sa fille. Seigneur, interrompit tristement Artamene, vous le serez bien encore davantage, lors que vous sçaurez que Mazare n’est plus : & que peut-estre…… A ces mots Artamene s’arresta : & ne pût jamais achever de dire, ce qu’il vouloit luy apprendre. Ciaxare le regardant alors tout troublé ; que voulez vous dire Artamene, luy demanda t’il, & quel nouveau malheur avez vous à m’anoncer ? Seigneur, luy respondit il, ce malheur est si grand, que je n’oserois presques vous le faire sçavoir : & je demande du moins à vostre Majesté qu’elle se donne la patience d’estre à Sinope, pour en estre pleinement instruite : afin que la douleur qu’il vous causera, puisse avoir moins de tesmoins dans vostre