Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/31

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Je ne vous dis point que je ſuis la plus malheureuſe Perſonne du monde, car vous ne pouvez pas l’ignorer : mais pour reconnoiſtre autant que je le puis, la generoſité que vous avez, d’expoſer tous les jours voſtre vie pour ma liberté, je n’ay qu’à vous dire que je ne ſouhaite avec gueres moins d’ardeur la continuation de voſtre gloire & de voſtre bon heur, que la fin des malheurs de

MANDANE.


Cette Princeſſe avoit encore adjouſté en Apoſtille, Apres vous avoir mandé à faux, que j’allois en Armenie, je n’oſe preſque plus vous dire, que je crois que l’on me mene à Epheſe.Lors que Cyrus eut achevé de lire cette Lettre, il ne pût s’empeſcher de regarder le Roy d’Aſſirie, de qui il rencontra les yeux dans les ſiens : mais avec tant de chagrin & tant de marques de douleur, que la joye de Cyrus en augmenta encore de la moitié. Touteſfois pour demeurer dans les termes de leurs conditions, & pour n’avoir point de ſecret pour toutes les choſes où la Princeſſe Mandane avoit intereſt : Cyrus leut tout haut la Lettre de la Princeſſe : ce qui ne fut pas un petit redoublement de douleur pour le Roy d’Aſſirie. Car quoy que cette lettre ne fuſt preſques qu’une lettre de civilité ; neantmoins il y avoit certaines paroles ſi cruelles