Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/33

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qu’il fut dans ce Chaſteau, il fut à l’Apartement d’Araſpe : où feignant d’avoir à faire avecques luy, il demeura preſques ſeul. Comme il eſtoit aſſez prés de celuy de la Reine de la Suſiane, il y fut ſans eſtre ſuivi que d’Araſpe & de Feraulas, & ſans eſtre veû : & c’eſt ce qui fit dire à tout le monde que Cyrus avoit eſté ſi fidelle à Mandane, qu’il n’avoit pas meſme voulu regarder cette Reine, parce qu’on la diſoit eſtre une des plus belles Perſonnes de la Terre. Cependant il eſt certain qu’il la vit, mais il la vit pour l’amour de Mandane : & comme il sçeut par Araſpe, qu’elle eſtoit fort en peine d’Abradate, il luy fit dire ce qu’il en sçavoit, en luy envoyant demander la permiſſion de la voir : de ſorte que lors qu’il entra dans ſa chambre, cette belle & ſage Reine le reçeut avec beaucoup de civilité. Et ſans donner aucune marque de foibleſſe pour ſa Priſon, Seigneur, luy dit elle, la Princeſſe Mandane avoit raiſon de me dire, que vous eſtiez le Prince du monde qui sçavoit le mieux uſer de la victoire : puis que toute captive que je ſuis, vous me faites la grace de me voir : & de m’envoyer aſſurer de la vie & de la ſanté du Roy mon Seigneur. Je ne veux point, luy dit-il, Madame, que vous me ſoyez obligée d’une choſe ſi peu conſiderable : mais je veux qu’en vous donnant la peine de lire cette Lettre (adjouſta t’il en luy monſtrant celle de Mandane) vous connoiſſiez que je ne dois point avoir de part à tous les ſervices que j’ay deſſein de vous rendre. Car apres ce que la Princeſſe de Medie m’a eſcrit, je ne ſuis plus Maiſtre de mes volontez ; & je ne puis que ſuivre les ſiennes. Je veux bien Seigneur (repliqua Panthée, apres avoir leû la Lettre de la Princeſſe Mandane, & la luy avoir renduë) partager cette obligation