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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/369

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celle d’Aglatidas eſtant accuſée d’un meurtre, quoy qu’innocent, ne devoit pas toucher la ſienne. Mon cœur eſt ſi pur, Madame, luy dit-il alors, que je ne penſois pas que ma main puſt prophaner la voſtre : cependant puis que vous ne le croyez pas ainſi, ſouffrez du moins que je vous baiſe la robe. En diſant cela il ſe baiſſa & la luy prit en effet : mais Ameſtris y portant la main pour s’en deffendre, Aglatidas ne pût s’empeſcher la voyant ſi prés de ſa bouche, de la baiſer : ſans qu’Ameſtris euſt la force de s’en faſcher, quoy qu’elle en euſt quelque envie, à ce qu’il parut ſur ſon viſage. Apres qu’il ſe fut relevé, vous voulez donc que je parte ? luy dit-il ; je voudrois bien, luy reſpondit-elle, que vous pûſſiez ne partir jamais d’Ecbatane : mais puis que la Fortune en a autrement diſposé, je voudrois………… Ameſtris s’arreſta à ces paroles : & ſans pouvoir dire ce qu’elle vouloit, elle luy fit encore ſigne de la main qu’il ſortist, & il ſortit en effet : mais ſi affligé, que jamais on n’a veu de douleur eſgale à la ſienne. Ameſtris de ſon coſté, n’eſtoit gueres moins triſte que luy : & j’ay ſceu par Menaſte qu’à peine fuſmes nous ſortis, qu’elle fut ſe raſſoir ſur ſon lict, où elle reſpandit avec abondance toutes les larmes qu’elle avoit retenuës, tant que nous y avions eſté. Apres pluſieurs diſcours les plus obligeants du monde pour Aglatidas, Ameſtris pria Menaſte de vouloir faire un petit voyage avec elle à la campagne : ne luy eſtant pas poſſible de pouvoir eſperer d’avoir la force de cacher la douleur qu’elle avoit de la perte d’Aglatidas : de ſorte que ſans differer davantage, elles reſolurent de partir dés le lendemain : Menaſte ſe chargeant d’ordonner de la part à Aglatidas de n’aller pas en ce lieu-là, qui n’eſtoit qu’à une journée