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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/448

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aimer, telle que le vous parois eſtre. Cleonice qui creut qu’Artelinde luy parloit ſincerement, veu la maniere dont elle s’exprimoit ; luy advoüa ingenument, qu’elle ne pouvoit donner ſon amitié ſans ſon eſtime : & qu’il luy eſtoit abſolument impoſſible d’eſtimer une perſonne qui avoit la foibleſſe de ſacrifier ſa veritable gloire, pour une gloire imaginaire & chimerique, comme eſtoit celle d’avoir touſjours à l’entour de ſoy mille faux adorateurs comme ceux qui l’environnoient. Car enfin, adjouſtoit-elle, ne vous y trompez point ; tous ces gens là ne vous aiment pas tant que vous le croyez : & pour en faire l’eſpreuve, oſtez leur l’eſperance pour un mois, & vous verrez combien il vous en demeurera. Ce n’eſt pas (pourſuivit-elle, voyant qu’Artelinde vouloit l’interrompre) que je doute du pouvoir de voſtre beauté : & que je ne sçache bien que vous avez cent belles qualitez, qui vous rendroient tres recommandable, ſi vous ne les deſtruisiez pas par voſtre procedé : mais c’eſt que je connois un peu mieux que vous, ceux que vous abuſez & qui vous abuſent : & que je voy avec des yeux plus deſinteressez, & avec un jugement plus libre, le précipice où vous vous expoſez à tomber. Au reſte, comment voulez-vous que je croye que vous penſez à moy, lors que vous avez l’eſprit remply de cent perſonnes que vous voulez qui penſent à vous ? & comment me puis-je fier en l’affection d’une Fille, qui paſſe toute ſa vie à tromper ceux qui l’approchent, & à deſguiser ſes ſentimens ; & de qui le cœur eſt partagé entre mille gens que je n’eſtime pas ? Voyez apres cela ſi j’ay tort de ne vouloir pas vous aimer. Encore, adjouſta-t’elle, ſi vous n’aviez qu’une violente paſſion, je vous pleindrois : & ne pouvant avoir