Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/447

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vint à les, haïr auſſi : de ſorte que chacun de leur coſté ſongeant à leur nuire, ils prirent des chemins differens pour y parvenir. Car Artelinde entreprit de donner de la jalouſie à Cleonice : & Phocylide d’en donner à Ligdamis ; ſe reſolvant touteſfois de taſcher auparavant de s’eſclaircir un peu mieux de ſes ſoupçons. Artelinde voyoit ſans doute beaucoup moins Cleonice qu’à l’ordinaire, mais elles ſe voyoient pourtant encore quelqueſfois : de ſorte qu’un jour qu’elles eſtoient enſemble & ſeules ; Artelinde, ſuivant ſon deſſein, fit venir à propos de parler de toutes les reprimandes qu’elle luy avoit faites de ſa galanterie. Et comme c’eſt une des plus adroites perſonnes de la Terre, & la plus flateuſe : apres luy avoir dit cent choſes obligeantes & tendres ; n’eſt-il pas vray, luy dit-elle, ma chere Cleonice, que vous ne vous retirez inſensiblement de mon amitié, que parce que vous avez creu que tout ce que je vous diſois un jour que nous eſtions ſeules, eſtoit en effet mes veritables ſentimens ? Il eſt vray, reprit Cleonice, qu’il y a un ſi grand raport de vos paroles à vos actions, que je n’ay pas creu en devoir douter : & à vous parler ſincerement, je ne penſe pas que j’aye eu tort de vous croire. Si cette croyance, reſpondit-elle, ne me couſtoit pas voſtre affection, je ne m’en ſoucierois pas beaucoup : car pour le monde en general, il y a deſja long-temps que je me ſuis mis l’eſprit : au deſſus de tout ce qu’il peut dire & penſer. Mais pour vous, ma chere Cleonice (adjouſta-t’elle, avec une diſſimulation eſtrange) il n’en eſt pas ainſi : puis que je ne puis ſouffrir que vous m’oſtiez la place que vous m’aviez donnée dans voſtre cœur : C’eſt pourquoy je vous prie d’avoir la ſincerité de me dire ſi vous ne me pouvez