Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/465

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qu’il ne faille que de la hardieſſe à nier voſtre crime pour vous juſtifier ! Non non (adjouſta-t’elle, luy impoſant ſilence de la main, & parlant touſjours) on ne m’abuſe pas ſi aiſément : & dés que je ne me confie plus, les plus fins ont bien de la peine à me tromper. Cependant Ligdamis eſtoit bien moins affligé, de voir qu’elle ſe pleignoit de luy, qu’il ne l’eſtoit lors qu’il penſoit avoir ſujet de ſe pleindre d’elle : parce qu’il sçavoit bien qu’il n’eſtoit pas coupable. Mais dés qu’il vouloit parler pour dire ſes raiſons, elle l’en empeſchoit : & luy diſoit qu’elle vouloit dire toutes les ſiennes auparavant. Mais Madame, luy diſoit-il malgré elle : vous n’en avez point de bonnes : Quoy, reprenoit-elle, vous ne trouvez pas que j’aye ſujet de vous croire le plus fourbe de tous les hommes, de feindre comme vous faites, de condamner l’amour ; d’affecter d’en faire une Satire continuelle ; & de rompre en aparence avec tout le monde, par une ſagesse extréme : pendant que vous avez la foibleſſe d’aimer Artelinde, & que vous avez la folie de vouloir qu’elle ſoit environnée de Galants, pour cacher voſtre galanterie ! Mais croyez moy Ligdamis, elle feint trop bien : & ce cœur que vous croyez peut-eſtre ſi abſolument à vous n’y eſt gueres. Cependant j’ay à vous dire, que je ne veux plus de voſtre amitié : & que ne vous ayant promis la mienne, qu’à condition que vous ne ſeriez point amoureux, je ſuis quitte envers vous de tout ce que je vous avois promis. Quoy Madame, reprit Ligdamis, vous pouvez croire que j’aime Artelinde ! Quoy Ligdamis, adjouſta-t’elle, j’en pourrois douter, apres avoir leû la Lettre que je tiens, & apres ce qu’Artelinde m’a dit ! Artelinde,