Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/466

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reprit-il, eſt une artificieuſe, dont toutes les paroles doivent eſtre ſuspectes : mais Madame, pour la Lettre dont il s’agit, ſi vous en compreniez le veritable ſens, vous verriez qu’elle eſt bien eſloignée d’eſtre une marque d’amour. J’advouë Madame, adjouſta-t’il, que j’ay fait une faute de vous faire un ſecret de l’extravagance d’Artelinde : mais apres tout, ce n’eſt pas un crime irremiſſible. Au contraire, vous devriez m’en avoir quelque obligation : car ſi j’ay caché ſa foibleſſe, ç’a eſté par le reſpect que je porte à voſtre Sexe, ſeulement pour l’amour de vous : ainſi vous ſeriez bien cruelle & bien injuſte, ſi vous m’en vouliez punir. Je vous proteſte luy dit-il, que je ne ſuis point amoureux d’Artelinde ; que je ne l’ay jamais eſté ; & que je ne le ſeray jamais. Que ſi apres cela vous n’eſtes pas encore ſatisfaite, & que vous veüilliez que je vous die ce qui m’eſt arrivé avec cette perſonne ; il faut que je vous ſuplie auparavant, pour ma propre ſatisfaction, de ne teſmoigner jamais sçavoir rien de ce que je m’en vay vous découvrir : Car enfin Artelinde eſt ſi peu ſage qu’elle m’en fait pitié : Ce n’eſt pas, adjouſta-t’il, que cette perſonne ſoit capable de ces eſpeces de crimes, dont la ſeule penſée vous feroit rougir : eſtant certain que jamais pas un de ſes Amants les plus favoriſez, n’a rien obtenu d’elle qui puſt bleſſer directement la vertu. On peut dire touteſfois que cette vertu qui fait les autres plus retenuës, eſt ce qui la fait plus hardie : car parce qu’elle sçait bien que ceux qui la ſervent, ne peuvent accuſer la ſienne d’aucun deffaut, elle ne fait point de difficulté de dire ; d’eſcrire ; & de faire cent mille choſes, fort eſloignées de la bien ſeance. Voila bien de la precaution,