Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/55

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plus grandes faveurs. Ce n’en pas qu’il les mépriſast, mais c’eſt qu’il en uſoit bien : & que ſans les chercher par des voyes laſches & baſſes, il les poſſedoit ſans orgueil & ſans vanité : & en faiſoit part à tous ceux qui le meritoient, avec autant de liberalité que s’il euſt eſté Roy, comme celuy dont il recevoit ces graces. Dans les commencemens de noſtre illuſtre ſervitude, toutes les fois que Cleandre alloit de la part des Princes faire quelques compliments à la jeune Princeſſe leur Sœur, cette admirable petite Perſonne, luy demandoit touſjours cent choſes : tantoſt s’il ne s’ennuyoit point à Sardis ; une autrefois ſi le Temple de Delos eſtoit plus magnifique que ceux qu’il voyoit en Lydie : & luy faiſant cent autres ſemblables queſtions, on remarquoit aiſément, que Cleandre plaiſoit à cette jeune Princeſſe. Car lors que les Princes luy envoyoient quelques autres de ceux qui eſtoient nourris aupres d’eux, elle ſe contentoit de répondre à ce qu’ils luy diſoient de la part de leurs Maiſtres, ſans faire une plus longue converſation. Il eſt vray que cela n’arrivoit gueres ſouvent : car Cleandre eſtoit ſi ſoigneux de ſe monſtrer aux Princes, quand il jugeoit qu’ils auroient quelque choſe à mander à la Princeſſe leur Sœur, qu’il eſtoit preſques le ſeul qui y alloit : & de cette ſorte il n’y avoit preſques point de jour qu’il ne luy parlaſt. La grande diſproportion qu’il y avoit de Cleandre à la Princeſſe Palmis, fit que ſa Gouvernante ne trouva point mauvais qu’elle parlaſt plus à luy qu’aux autres : ainſi tant que ſon enfance dura, il fut le plus heureux du monde à toutes choſes, puis que rien ne s’oppoſoit à tout ce qui luy pouvoit plaire.

Nous vécuſmes donc de cette ſorte, juſques à ſa quinzieſme année, que