Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/56

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quelques Subjets de Creſus ſe rebellerent : ſi bien qu’il falut aller à la guerre contre eux, où Cleandre fit des choſes ſi ſurprenantes, qu’elles paroiſtroient incroyables à tout autre qu’à l’illuſtre Cyrus : qui ne peut ſans doute pas croire qu’il y a t de l’impoſſibilité à eſtre jeune & extraordinairement brave tout enſemble, apres les Grandes actions qu’il a faites. Auſſi Cleandre le parut il de telle ſorte aux yeux de toute l’Armée, que l’on commença à ne parler pas moins de ſon courage, que juſques alors on avoit parlé de ſa beauté, de ſon eſprit, & de ſon adreſſe. Il reçeut meſme une bleſſure favorable au bras gauche, en voulant s’oppoſer à un des ennemis, qui vouloit fraper le Prince, ce qui redoubla encore ſa faveur aupres de Creſus : ſi bien que lors que nous retournaſmes à Sardis, apres avoir ſousmis ces Peuples rebelles, on commença de ne regarder plus Cleandre comme un agreable Enfant, mais comme un fort honneſte homme. Car encore qu’il fuſt tres jeune, comme il avoit autant de ſagesse, de jugement, & de diſcretion, que l’âge & la raiſon en peuvent donner à qui que ce ſoit : & que l’on ne voyoit en luy de la jeuneſſe que ce qui la rend aimable, ſans en avoir pas un des deffauts : on ne veſcut plus auſſi aveques luy comme l’on a accouſtumé de vivre avec les autres jeunes gens, durant les premieres années qu’ils voyent le monde, & qu’ils ſont de la converſation. Au contraire, au retour de cette Campagne, on traita tout à fait le jeune Cleandre en homme tres raiſonnable : la Princeſſe meſme, qui avoit alors treize ans, commença de parler à luy avec un peu moins de liberté, & à le traiter moins familierement, quoy que ce fuſt toujours avec les meſmes bontez. En ce temps-là le Prince