Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/122

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en l’opinion qu’en effet Philidaspe ne mentoit pas : mais pour ses complices qui n’estoient point nommez dans cette Lettre, on ne les pouvoit pas deviner. La Princesse & mon Maistre jugeoient bien, que peut-estre Aribée pouvoit en sçavoir quelque chose : toutefois comme ils sçavoient que le Roy l’aimoit, ils n’ofoient luy dire ouvertement ce qu’ils en pensoient.

Cependant Artamene ayant eu ordre de faire ce qu’il jugeroit à propos, pour mettre la Princesse en sevreté ; fit changer les Gardes du Chasteau & de la Ville : & ayant fait prendre les armes à tous les Habitans, il fit mettre des Corps de garde dans toutes les ruës. Il demanda en fuite permission au Roy, d’aller chastier Philidaspe : mais Ciaxare ne voulut point souffrir qu’il sortist de la Ville ; & la Princesse s’y opposa si fortement, qu’il n’y falut pas songer : joint qu’en effet, l’on ne sçavoit pas precisément où il estoit. Les six mille hommes qui estoient venus amener le Roy de Pont, furent mis en divers postes, aux environs de Sinope : car l’on ne douta nullement, que Philidaspe qui avoit quatre mille hommes aupres du Chasteau dont il estoit Gouverneur, n’eust eu dessein de s’en servir. Aribée en cette occasion, agit avec une finesse extréme : & comme le Roy luy eut dit la chose, ce fut luy qui tesmoigna le plus d’empressement ; qui blasma le plus Philidaspe ; & qui fit le plus de semblant de vouloir tascher de le prendre. Comme l’on ne sçavoit s’il estoit caché dans la Ville, où s’il estoit dans ce Chasteau, l’on se trouva fort embarrassé : neantmoins le lendemain au matin, Artamene pressa tant, qu’on luy permit d’aller avec ces six mille hommes, sommer ce Chasteau de se rendre ; & combattre les quatre mille qui estoient la, en cas