Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la lettre que je vous donnay ? est elle encore en vos mains ? ou l’avez vous renduë à la Princesse, pendant un petit voyage que l’on m’a dit que vous avez fait icy ? Seigneur, luy repliquay je, cette demande offence un peu la fidelité de Feraulas : & vous ne pouvez douter de mon exacte obeïssance, sans douter de mon affection. Quoy Feraulas, me dit il, la Princesse a donc reçeu ma lettre ? Ouy Seigneur, luy dis-je, elle l’a reçcuë : Ha Feraulas, s’écria-t’il, ne me desesperez point : & si Mandane vous dit alors quelque chose de bien fascheux, je pense qu’il est bon que je ne le sçache pas. Toutefois (reprit il, sans me donner le loisir de parler) il vaut mieux que je sçache la verité toute pure, afin de ne m’amuser point à trainer une malheureuse vie : & à conserver quelque espoit inutilement. Seigneur, luy dis-je, vous estes plus heurex que vous ne pensez : non non Feraulas, me respondit il, ne me flatez point : & ne faites pas ce que je vous ay dit d’abord. Non Seigneur, luy dis— je, je ne vous deguiseray rien : & alors je me mis effectivement à luy raconter fort exactement, tout ce que la Princesse m’avoit dit. je luy representay sa douleur ; je luy dis que je l’avois entenduë soupirer ; que je luy avois veû respandre des larmes ; qu’elle m’avoit parlé avec beaucoup de tendresse ; qu’elle m’avoit offert de me servir, en sa consideration ; qu’elle s’estoit informée avec beaucoup de foin de sa naissance ; que je ne luy en avois dit, que ce qu’il avoit voulu qu’elle en sçeust ; & qu’en fin si l’on devoit juger de l’estime & de l’amitié qu’elle avoit pour luy, par la douleur qu’elle avoit tesmoignée, je pouvois l’assurer qu’il estoit fort bien dans son esprit.