Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/131

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il croit mon conseil, il ne s’exposera pas legerement à estre refusé. Non, Madame, reprit Artamene, aux termes où est mon esprit, la chose ne peut plus aller ainsi : & il faut absolument que je quitte la Cour ; que je m’en aille pour tousjours : que je meure desesperé ; ou que l’illustre Mandane m’escoute une seule fois. je ne veux, Madame, poursuivit-il, que cette seule faveur : je n’en demande point d’autre ; & si vous l’accordez à Artamene, il s’estimera tres heureux. Toutes les fois, repliqua la Princesse, que vous demandez à me parler en particulier, je m’imagine tousjours, que vous me venez aprendre quelque nouvelle conjuration : & qu’il y a encore quelque autre Philidaspe, dont il faut me faire sçavoir les mauvais desseins, & l’en punit s’il est possible. Il est vray, reprit mon Maistre, que ce que j’ay à vous dire, n’est pas si esloigné des desseins de Philidaspe que vous pourriez penser ; puis qu’enfin la mesme cause qui l’a fait agir me fait parler. Mais, Madame, bien loing de songer à vous faire nulle violence, je pense seulement à mourir : & je ne veux rien sçavoir de vous, sinon s’il me fera permis d’esperer de vostre bonté, quelques tesmoignages de compassion, lors que je seray mort par vostre rigueur, comme vous m’en avez accordé, lors que vous m’avez creû mort par la main de vos Ennemis. C’est, Madame, toute la grace que j’ay à vous demander & tout ce que je veux presentement de l’illustre Mandane. La Princesse surprise de ce discours, creût qu’il n’y faloit pas respondre en tumulte : & que dans le dessein qu’elle avoit de satisfaire sa vertu, sans choquer directement l’amitié qu’elle avoit pour mon Maistre ; il faloit un peu plus de temps que cela. C’est pour quoy ayant veû un siege de