Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tant qu’Artamene y seroit ; mon Maistre n’eut pas plustost commencé d’aider à marcher à Mandane, qu’elles demeurerent dix ou douze pas derriere elle. La Princesse se trouva alors du costé du Parterre qui est directement opposé à la porte du Jardin ; c’est pour quoy encore qu’elle dist qu’elle se vouloit retirer, il faloit tousjours de necessite faire tout ce chemin là.

Elle voulut donc commencer de parler, afin d’en oster les moyens à mon Maistre ; qui emporté par sa passion, & tenté par une occasion si favorable, l’interrompit : & luy dit avec beaucoup de respect ; file peu de service que j’ay eu le bonheur de rendre au Roy, vous açu quelque sorte obligée (comme vous m’avez fait l’honneur de me le dire diverses fois) je vous supplietres-humblement, Madame, de ne vous retirer pas si tost : & de me donner la liberté de vous entretenir une heure en particulier. Si c’est, respondit la Princesse, pour me demander quelque chose qui dépende du Roy mon Pere, j’y consens avec joye : mais si cela n’est pas, je ne croy point que vous puissiez avoir d’affaire, dont vous deviez m’entretenir en secret. La Princesse rougit, en prononçant ces dernieres paroles : & mon Maistre, qu’une si belle crainte rendit plus hardy, continuant de luy parler bas ; ce que je desire de vous, luy respondit-il, est encore plus aisé que vous ne pensez : puis qu’enfin vous en pouvez disposer absolument, sans employer le credit du Roy. Mais, Madame, adjousta-t’il, que craignez vous d’Artamene ? & pourquoy ne voulez vous pas l’entendre ? je crains, luy repliqua-t’elle, qu’il ne me connoisse pas bien ; & qu’il ne desire des choses, que je ne puisse luy accorder : C’est pourquoy, s’