Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/136

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Madame, repliqua Artamene, mais cette deffence m’est aussi bien rigoureuse : & je voudrois bien sçavoir quel crime j’ay commis de puis mon retour. Vous m’avez dit, reprit la Princesse, ce que vous ne me deviez pas dire : il faloit donc, Madame, perdre la vie, adjousta Artamene ; car enfin la chose en est arrivée aux termes, que je ne sçaurois vivre sans vous aimer ; ny vous aimer sans vous le dire ; ny me taire sans mourir. La Princesse fut alors un moment sans parler : puis reprenant la parole ; l’advouë Artamene, luy dit elle, que vous me mettez en une facheuse extremité : je vous estime, je vous suis obligée ; & ce ne seroit pas sans peine, que je me resoudrois à vous bannir : Songez donc, je vous en conjure, à regler vos sentimens s’il est possible. Estimez Mandane comme elle le doit estre, elle ne s’en offencera pas : au contraire, comme elle est satisfaite du tesmoignage secret de la pureté de son ame, elle vous advouë ingenûment, qu’elle a quelque joye, qu’Artamene la considere ; & peut-estre qu’Artamene l’ayme : mais elle veut que cette affection ait des bornes. Elle veut donc ce qui n’est pas possible, respondit mon Maistre ; & ce qui est forte quitable, repliqua la Princesse ; car enfin la vertu en doit donner à toutes choses. je vous ay desja dit, Madame, repliqua Artamene, que ma passion ne choque point la vertu ; le temps & vostre silence m’en esclairciront, respondit Mandane en se levant, & ce fera par ces deux choses, que je jugeray si l’affection qu’Artamene a pour moy, est aussi pure qu’il le dit. Quoy, Madame, reprit mon Maistre, vous me deffendez de parler ? Ouy, luy respondit elle en rougissant, si ce n’est pour me dire le veritable Nom d’Artamene. Mon Maistre